Mise à jour : le 29 décembre 2007 13:42 Cotre Ernest-Manchon pilote de baie de Seine, suite...
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--- Le portrait de cotres.

La fierté portée à leurs beaux cotres noirs à liston or par les Quillebois s’est traduite par la commande à des portraitistes de navires, de toiles ou d’aquarelles. Il faut rappeler que, depuis le début du XWII” siècle au  moins et jusqu’à la deuxième guerre mondiale, existent dans les grands ports, des peintres portraitistes qui travaillent sur commande pour les capitaines ou armateurs.

Le relatif mépris dans lequel ils sont tenus par les “ vrais artistes et connaisseurs ‘”, la disparition de la voile et la concentration du capital maritime, ont amené leur quasi disparition. Le Peabody Musuem de Salem ( Etats Unis ), animé par des marins à ses origines, conserve, actuellement, la plus belle collection de ce type particulier de peinture de marine.

Entre 1896 et 1903, un bon portraitiste de navire havrais, Eugène Grandin, réalise une série d’aquarelle et quelques toiles montrant ces cotres sous différentes voilures, par petites brises ou gros temps. De sa production abondante, certaines de ces oeuvres sont parvenues jusqu’à nous, malgré le peu de cas qu’en faisaient les héritiers. Leur stylisation les présente sous leur aspect le plus spectaculaire, tel que le souhaitaient leurs patrons mais toujours avec le souci de la fidélité et du détail comme la ralingue de bordure libre, et la bande de ris sur la trinquette.

Une grande toile d’Edouard Adam présente un transbordement entre un cotre et le bateau-pilote à vapeur Emile Duchemin, et d’autres encore sont sans  doute disséminés à travers la France, au hasard des lieux de retraite des pilotes que les avaient commandés.
Ernest-Manchon sous toute sa voilure de beau temps, grand flèche, clin foc et trinquette génoise... pas un pli dans la voilure, le patron sera content du travail d’Eugène Grandin ! ▲
Test du menu Les régates du Havre.

La doyenne des société françaises de sport nautique, la Société des Régates du Havre, est fondée en 1838 sur le modèle anglais. Ses courses réunissent pendant quatre jours amateurs et professionnels, sous les plus hauts patronages : famille impériale, Président de la République... Les prix en sont importants : 1000 F au premier de la course des bateaux-pilotes en 1892, somme que l’on pourra comparer avec le d’achat du flambart Louis-Marie. Le ministère encourage ces course par l’envoi d’un bâtiment de guerre et l’octroi de médailles, jumelles, longue-vue et baromètre. Le régates sont en effet regardées comme un des meilleurs moyens pour perfectionner les équipages, comparer et améliorer le matériel/

Les pilotes de la Seine, en s’intéressant aux régates, reprenaient sans doute sans le savoir une ancienne tradition, puisque selon Louis Bigard leurs bateaux avaient déjà figuré en 1613 à des tournois de voiliers dans Paris, devant Marie de Médicis. Un certain Chanteau, poissonnier de mer, avait secrètement fait construire au Clos des Galées à Rouen quelques bateaux à voile dans la fome spéciale qui était utilisée par les lamaneurs de Caudebec pour atteindre, contre vents et marées, les navires de mer qu’il fallait piloter jusqu’à Rouen. Ces petits bateaux gagnaient au flot, par la voile, et sans le secours des rames.

La suprématie des pilotes de Rouen.

Une course du Havre est réservée aux bateaux-pilotes de tous les ports de France spécialement et uniquement affectés au pilotage. Le parcours est d’environ 20 milles marins en deux grands tours. Le départ “ volant “, c’est-à-dire sous voile, au nord de la ligne de départ, prêts à s’élancer au signal. Le rédacteur du journal du Havre du 19 juillet 1892 la commente ainsi le lendemain : “ cette course est assurément une des plus intéressantes, car notre population maritime toute entière s’y intéresse d’un façon spéciale, et bien avant l’heure des régates, chacun discute chaudement les chances qu’ont les concurrents. “ Les grands cotres de Julienne y sont inscrits pour la première fois cette année-là et ils inquiètent : “ cette année toutefois, nos pilotes havrais ont montré peu d’empressement, et trois bateaux du port seulement ont disputé aux trois bateaux rouennais l’honneur de la victoire. Disons tout de suite que le Havre a été vainqueur et a pris la première place avec le n° 30 l’Avenir. Viennent ensuite cinq minutes après, le R2 Emile-Duchemin ( patron Boutin ), puis le R1 Pouyer-Quertier ( patron Cottin ) et enfin 33 secondes après, le 35 Pierre-Durecu. Joyeuse finissait quelques instants après. Jolie course très disputée, toutes voiles dehors ; nos pilotes ont fait assaut d’habileté. “ Pour mieux apprécier le résultat on saura que le beau temps avait favorisé les courses et qu’aucun accident ne s’était produit : pas le moindre mât cassé en mer. “ Il ventait une jolie brise de nord-ouest favorable à tous les bateaux de grand et de petit tonnage. “
On enregistre au recettes de la station 800 francs de prix.

En 1893, la même course se déroula le mardi 18 juillet avec les même prix. Les concurrents sont plus nombreux : dix. Le R2 Emile-Duchemin arrive premier suivi de très près par R3 Ernest-Manchon et par Pierre-Durecu numéro 35 qui devance à peine d’une longueur Avenir numéro 30. Participaient également Joyeuse, Fauvette, Gustave-Marius, Charles-Emile, Maitre-Pierre et R1 Pouyer-Quertier. Le temps est mauvais, pas de soleil, pluie abondante avec embellie de peu de durée. Il ventait une forte brise d’ouest, la mer était houleuse et ainsi que la veille, plusieurs courses furent remise. Il semble bien que les cotres de Julienne étaient autant à l’aise par beau temps que par forte brise. Ils rapportèrent cette fois là 1500 F de prix.

Ces résultats sont d’autant plus significatifs que les cotres du Havre font figure d’étalons. Les anglais eux-mêmes les considéraient comme meilleurs voiliers, au plus près par gros temps, que leurs célèbres cotres du canal de Bristol. On sait la longue carrière de Jolie-Brise, H6, qui n’est pas encore finie actuellement.

Pourtant, l’année suivante les pilotes de Rouen ne participent pas à la régate. “ A la suite du succès de 1893, la Chambre de Commerce de Rouen remet à la Société des Régates du Havre un prix de 300 F et trois médailles, les pilotes n’ont pas voulu prendre part à la lutte en 1894, gênés par certaines conditions nouvelles du concours “. En 1895, Pouyer-Quertier, patron Cottin, et Ernest-Manchon patron Lesage, sont inscrits au régates du 15 juillet, avec huit havrais et Jules-Isabelle un bateau-pilote de Saint-Vaast-la-Hougue, mais ils ne figurent pas parmi les quatre premiers prix. Handicap trop sévère ? Ainsi s’achève la joute pour les bateaux de Seine.

Ces régates faisaient l’objet d’une préparation soigneuse. Preuve ne est cet inventaire dressé par le voilier O. Mariolle à la suite de l’incendie de son atelier, sans doute en 1900, c’est-à-dire après la grande période des courses. Outre deux grand voiles, une voile de cape, un vieux foc, deux petits grand focs, trois grands focs, et un troisième foc en coton, on y relève une trinquette, une trinquette ballon, deux spinakers, trois flyn jibs, trois grands flèches carré, un flèche carré, et trois flèches pointus, avec dix sacs à voiles. En 1890, 92 et 93, on enregistre en dépenses des voilures de course pour 1040, 1633 et 895 francs respectivement.
Tous ces voiliers faisaient vivre, au Havre, un monde de fournisseurs pour la marine : constructeur de canots Duchesne, charpentier Paumelle frères, cordier Millet et Vasse, quincailler Leprêtre, poulieur Pauwels, artificier Guérard, peintre Bocquillon, serruriers...
La fin des cotres pilotes.

Trois ans après sa mise en service, le 24 novembre 1894, par beau temps, l’Emile-Duchemin, R2 est coulé par le vapeur anglais Race Fisher devant l’’entrée du Havre alors que son pilote, Eugène Troude, embarqué à Villequier, tente de regagner le cotre qui croise dans ces parages. Dans la manoeuvre le bateau-pilote, patron Yves Colleter, fut abordé et coula quelques minutes après. Les quatre hommes d”équipage sont sauvés par le Race Fisher. L’enquête faite au Havre ne permet pas d’établir d’une manière certaine les responsabilités relatives, “ et cependant le vapeur anglais, en payant les 25 000 f d’indemnité, a reconnu de ce fait que la responsabilité de l’abordage appartenait à son navire. C’était heureux car le voilier n’était pas assuré “. La réaction des pilotes fut immédiate, ce qui montre qu’ils avaient réfléchi à leurs futurs besoins. Le 1er décembre 1894, réunis en assemblée générale à l’Arsenal, dans la salle du Tribunal Maritime, sous la présidence du Chef du Pilotage, A. Dormoy, ils décident par quarante et un votes pour, deux bulletins blancs et vingt-huit voix contre, la commande d’un bateau à vapeur en remplacement du voilier coulé.

La rapidité de cette décision radicale est étonnante pour l’époque. Le vapeur commandé ce jour-là est le premier bateau à vapeur en service en France. On sent l’influence du chef du pilotage dans cette mutation hardie et clairvoyante. Il nous apparaît évident maintenant que les cotres-pilotes, bons marcheurs qu’ils soient, dépendent entièrement des éléments naturels, variation des vents et des courants, état de la mer. Difficultés surmontables lorsque tous les navires étaient à voiles, “ les chances se trouvaient égalisées des deux côtés : lorsque le pilote était immobilisé, le trois-mâts long courrier l’était aussi. “ Mais la proportion des vapeurs augmentant constamment, la qualité du service offert aux usagers du port de Rouen exigeait pour le pilotage de passer aussi à la vapeur.

La Chambre de Commerce de Rouen en est bien consciente puisqu’elle prêtait 50 000 F en 1895, remboursés cinq ans plus tard, pour aider au paiement du vapeur commandé en Ecosse, chez Löbnitz, à  Renfrew. A sa mise en service, baptisé Emile-Duchemin, il est affecté à la croisière de la côte, les cotres faisant le large. L’évolution se poursuivit dans le trafic du port et en 1910, un nouveau vapeur s’avère nécessaire, suivi d’un troisième en 1914. Les cotres sont condamnés. Désarmés pendant la guerre 14-18, il est possible qu’ils aient été vendus à la pêche côtière en 1917 à un armateur de Dauville. Il sont achetés en 1924 par un armateur de Lorient, monsieur Tristan, qui doit les armer à la pêche au thon. Selon le journal Havre-Eclair, ils appareillent du Havre le samedi 10 mai 1924, pour leur nouveau port d’attache, en même temps qu’un ancien cotre du Havre. Une page est tournée.
 
Marques de pilotage et ancre maquillées par des bandes cousues sur la grand-voile, Pouyer-Quertier reconverti à la pêche sort du port de Trouville pour une marée au chalut. ▲
Portrait de l’Emile-Duchemin, vapeur venu en remplacement du R2, son homonyme en rade du Havre.
Le R3 croise à l’horizon. ▲
Pilote à son bord, le quatre-mâts Quevilly passe devant la cale de Caudebec en remorque d’un vapeur. A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, les grands navires montent et descendent la Seine avec l’assistance d’un remorqueur. ▲
L’Emile-Duchemin, R2, capeye sous grand-voile de gros temps à un ris. Le pavillon rouge à ancre blanche est réservé aux pilotes de Seine. Le Havre envoie un pavillon sur fond jaune et Honfleur sur fond bleu. Eugène Grandin va réaliser pour chacun des trois pilotes de Rouen des portraits très semblables, travail de commande stéréotypé qui témoigne d’un réel talent. ▲
© image Chasse-Marée © image Chasse-Marée © image Chasse-Marée © image Chasse-Marée © image Chasse-Marée
 
 
 
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